lagadu on Thu, 24 May 2001 13:24:18 +0200 (CEST)


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[Nettime-bold] Re: <nettime> From the Multitudes of Europe Rising Up Against the Empire


Hi

Thanks to Enrica Pozzali Piersanti for throwing this bottle
>>From the Multitudes of Europe, Rising Up Against the Empire
and Marching on Genoa (19-20 July 2001)
to the sea.

I received it, translated it into french posted it on
www.virtualistes.org and
www.minirezo.net

...and throw it back to the oceans, to keep on marching.

Christine

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Nous, Multitudes d’Europe, nous Soulevant contre l’Empire et Marchant sur Gènes
(19-20 juillet 2001)

Nous sommes neufs, et pourtant nous sommes toujours les mêmes.
Nous sommes les ancêtres de notre futur, nous sommes une armée de désobéissants.
Des siècles durant, nous avons marché, avec pour arme des histoires, et la
“dignité” pour blason de nos étendards. Au nom de cette dignité, nous avons
combattu ceux qui s’arrogent le rôle de seigneurs et de maîtres des peuples, des
prairies, des forêts et des mers. Ceux qui règnent arbitrairement, imposent
l’ordre de l’Empire et appauvrissent les communautés.

Nous sommes les paysans de la Jacquerie. Nos villages ont été pillés par les
mercenaires de la Guerre de Cent Ans et les nobles nous ont affamés. En l’An de
grâce 1358 nous prîmes les armes, détruisîmes leurs chateaux et reprîmes ce qui
nous avait été dérobé. Certains d’entre nous furent capturés et décapités, le
sang gicla de nos narines, mais nous étions en marche et nous ne nous
arrêterions plus.

Nous sommes les Ciompi de Florence, les travailleurs des ateliers et des arts
mineurs. En l’An de grâce 1378, un cardeur déclencha la rebellion. Nous prîmes
le conseil municipal et réformâmes le statut des arts et des métiers. Les
seigneurs s’enfuirent dans les terres et organisèrent le siège de la ville. Deux
ans plus tard nous étions vaincus et ils restaurèrent l’oligarchie, mais rien ne
pourrait enrayer la contagion de nos actes.

Nous sommes les paysans d’Angleterre qui combattirent les nobles pour supprimer
les péages et les dîmes. En l’An de grâce 1381, nous entendîmes le prêche de
John Ball : {“Quand Adam binait et Eve filait / Qui donc était  gentilhomme?”}.
Nous partîmes d’Essex et du Kent avec piques et fourches épointées. Nous
occupâmes Londres et incendiâmes des batiments. Nous saccageâmes le palais de
l’Archevèque et ouvrîmes les portes des prisons. Sur ordre du Roi, nombre
d’entre nous ont fini aux galères, mais rien n’a plus jamais été comme avant.

Nous sommes les Hussites. Nous sommes les Taborites. Nous sommes les
travailleurs et les artisans de Bohème qui se rebellèrent contre le Pape, le Roi
et l’Empereur après que Jean Hus eut été brûlé vif. En l’an de grâce 1419, nous
prîmes d’assaut l’hôtel de ville de Prague et jetâmes le bourgmestre et ses
conseillers par les fenêtres. Le roi Wenceslas mourut d’apoplexie. La puissante
Europe nous déclara la guerre, et nous appelâmes le peuple tchèque à prendre les
armes. Nous repoussâmes toutes les invasions, contre-attaquâmes et prîmes pied
en Autriche, en Hongrie, au Brandebourg, en Saxonie, en Franconie et au Palatin.
Le coeur même du continent étaient entre nos mains. Nous avons aboli l’esclavage
et la dîme. Il faudra trente ans de guerre et de croisades pour nous vaincre.

Nous sommes les quarante quatre mille hommes qui ont répondu à l’appel de Jean
le Joueur de Flûte. En l’an de grâce 1476, la Madonne de Niklashausen apparut à
Jean et lui dit : {“Il n’y aura ni rois ni princes, ni papauté ni clergé, ni
taxe ni dîme. Les prés, les forêts et les mers appartiendront à tous les hommes.
Tous seront frères, et ne possèderont pas plus que leurs voisins.”} Au jour de
la St Margaret, nous arrivâmes une bougie dans une main et une lance dans
l’autre. La Sainte Vierge nous dirait que faire. Les cavaliers de l’Archevèque
prirent Jean, nous attaquèrent et nous défîrent. Jean fut brûlé vif, mais pas
les paroles de la Vierge.

Nous sommes le Bundschuh, les laboureurs et paysans d’Alsace. En l’an de grâce
1493, nous conspirâmes pour tuer les usuriers et annuler les dettes, confiscâmes
les trésors des monastères, amputâmes les revenus des prêtres, abolîmes la
confession orale et instaurâmes des tribunaux locaux élus par les communautés.
Le Dimanche de Pâques, nous attaquâmes la forteresse de Schlettstadt. Nous fûmes
vaincus. Nombre d’entre nous furent arrêtés et jeter aux cachots pour être
écartelés ou décapités. D’autres furent estropiés, mains et doigts tranchés,
puis exilés. Pourtant ceux qui continuèrent répandir le Bundschuh dans toute
l’Allemagne. Après des années de répression et de ré-organisation, le Bundschuh
fit son apparition à Freibourg en l’an de grâce 1513. La Marche s’est poursuivie
et le Bundschuh vit encore..

Nous sommes les Pauvres Konrads, les paysans du pays de Souabe qui ont refusé
les taxes sur le vin, la viande et le pain, en l’an de grâce 1514. Nous étions
cinq mille et nous menaçâmes de prendre Schondrof, dans la vallée des Rems. Le
Duc Ulrich promit qu’il abolirait les taxes et étudia les doléances des paysans.
Il ne cherchait qu’à nous calmer et gagner du temps. La révolte s’étendit à
toute la Souabe. Nos délégués furent admis à la diète de Stuttgart. Il fut
décidé de destituer et punir trois des conseillers honnis du Duc, de le pourvoir
d’un conseil de quatre chevaliers, quatre bourgmestres et quatre paysans, et de
faire confiscation des monastères et des dotations au trésor de l’Etat. Ulrich
convoqua une autre diète à Tubingen, et réunit des troupes avec l’aide de ses
voisins. Il ne fut pas aisé de prendre par la force la vallée des Rems : Ulrich
assiégea et affama le pauvre Konrad  sur le Mont Koppel, puis il pilla les
villages. Six cents paysans furent capturés, seize furent décapités, et le
restant se vit infliger de très lourdes amendes. Et pourtant, le Pauvre Konrad
encore se révolte.

Nous sommes les paysans de Hongrie qui, en l’an de grâce 1514, se rassemblèrent
pour faire croisade contre les Turcs, et préférèrent déclarer la guerre aux
nobles. Six cents hommes armés, aux ordres du commandant Dozsa, s’insurgèrent
dans tout le pays. L’armée des nobles se rendit à Czanad où fut fondée la
République des Egaux. Ils nous  capturèrent au terme de deux mois de siège.
Dozsa fut grillé sur un trône rouge ardent, et ses lieutenants furent forcés de
manger sa chair. Des milliers de paysans furent empalés ou pendus. Le massacre
et l’infâme Eucharistie ont détourné la Marche de sa voie, mais ne l’ont pas
arrêtée pour autant.

Nous sommes l’armée des paysans et des mineurs qui suivirent Thomas Muentzer.
En l’an de grâce 1524 nous avons crié : Tout en commun ! et déclaré la guerre à
l’ordre mondial. Nos Douze articles ébranlèrent la puissante Europe. Nous avons
conquis les villes  et le coeur des gens. Les Lansquenets nous exterminèrent en
Thuringe, Muentzer fut mis en pièces par les éclaireurs et pourtant, personne ne
put le nier : tout ce qui appartenait à la terre , retournerait à la terre.

Nous sommes les Diggers : une communauté de cultivateurs sans travail et de
paysans sans terre. En l’an de grâce 1649 nous nous rassemblâmes à
Walton-sur-Tamise, dans le Surrey;  nous occupâmes la terre commune et
entreprîmes de la labourer. Nous voulions vivre ensemble et partager ses fruits.
Les seigneurs du manoir montèrent la population contre nous, nous fûmes pris et
engeôlés par une foule en rage. Des campagnards et des soldats lancèrent
l’assaut et piétinèrent nos récoltes. Quand nous coupions du bois dans les
communaux, les propriétaires nous poursuivaient pour dégradation et effraction.
Les troupes nous attaquaient, détruisaient nos maisons et piétinaient une fois
encore nos récoltes. Nous persistâmes. D’autres Diggers se mirent à cultiver
dans le Kent et dans le comté de Northampton. La foule les chassa. La loi nous
entravait mais nous recommencions.

Nous sommes les serfs, les mineurs, les fugitifs et les déserteurs qui
rejoignirent les Cosaques de Pugatchev pour renverser l’autocratie russe et
abolir l’esclavage. En l’an de grâce 1774, nous conquîmes les forteresses,
dépouillâmes les riches et partîmes pour Moscou. Pugachev fut capturé, mais le
ver était dans le fruit.

Nous sommes l’armée du général Ludd. Nos pères furent chassés de leurs terres,
et nous devînmes tisserands. Puis vinrent les métiers à tisser. En l’an de grâce
1811, nous parcourûment la campagne anglaise, et dévastâmes les usines,
détruisant les machines et riant à la face des notables. Le gouvernement nous
envoya des milliers de soldats et de civils en armes. Une loi scandaleuse
déclara que les machines étaient plus importantes que les êtres humains, et que
ceux qui les détruisaient devaient être pendus. Lord Byron les avertit : {“N’y
a-t-il pas assez de sang sur votre code pénal, qu’il faille en verser davantage
pour monter au ciel et  témoigner contre vous? Comment votre loi prendra-t-elle
effet? Pouvez vous consigner toute une région dans ses propres prisons? Erigerez
vous un gibet dans chaque champ pour y accrocher les hommes comme des
épouvantails? Ou procéderez vous (comme vous le devez pour mettre vos mesures à
exécution) par éradication?...Sont-ce des remèdes pour une population affamée et
désespérée?”} La révolte éclata mais nous étions affaiblis et sous-alimentés.
Ceux qui échappèrent au noeud coulant furent déportés en Australie. Et pourtant,
le général Ludd passe encore au galop à la lisière des champs, ralliant ses
troupes au fin fond de la nuit.

Nous sommes les travailleurs du comté de Cambridge, aux ordres du Capitaine
Swing. En l’an de grâce 1830, nous nous soulevâmes contre des lois despotiques.
Nous incendiâmes les granges, détruisîmes les machines, menaçâmes les
propriétaires, prîmes d’assaut les postes de police et exécutâmes les mouchards.
On nous envoya aux galères, mais l’appel du Capitaine Swing aurait fait se lever
une armée. Son avancée lèvera une poussière qui ternira les boutons de cuivre
des uniformes et les robes des juges. Elle montera à l’assaut des cieux pendant
150 ans.

Nous sommes les tisserands de Silésie qui se rebellèrent en 1844. Nous sommes
les faiseurs d’étoffe qui mirent la Bohème en feu la même année. Nous sommes les
prolétaires insurgés de l’an de grâce 1848. Nous sommes les spectres qui
tourmentent les papes, les tsars, les patrons et les valets. Nous sommes le
peuple de Paris en l’an de grâce 1871. Nous avons survécu à un siècle de
vengeance et de folie, et nous continuons notre Marche

“Ils” disent qu’ils sont autres. “Ils” se baptisent à coup d’acronymes : G8,
FMI, BM, OMC, ALENA, ZLEA... Ils ne peuvent nous berner, ils sont pareils à ceux
qui les ont précédés : les écorcheurs qui ont pillé nos villages, les oligarches
qui ont re-conquis Florence, la Cour de l’empereur Sigismond qui trompa Jean
Hus, la diète de Tubingen qui obéit à Ulrich et refusa de laisser entrer le
Pauvre Konrad, les princes qui envoyèrent les lansquenets à Frankenhausen, les
impies qui rotirent Dozsa, les propriétaires qui supplicièrent les Diggers, les
autocrates qui battirent Pugachev, le gouvernement maudit par Byron, le vieux
monde qui arrêta nos assauts et détruisit tous les escaliers montant au ciel.

Aujourd’hui, ils règnent sur un nouvel empire, ils imposent de nouvelles
servitudes à la planète entière, ils jouent encore aux seigneurs et maîtres de
la terre et des mers.

Une fois encore, nous, les Multitudes, nous soulevons contre eux.


Gènes
Péninsule Italienne
19, 20 et 21 Juillet
d’une année que l’on ne doit à la grâce d’aucun maître




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