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[nettime-fr] L'Etat doit adopter une politique du logiciel |
L'Etat doit adopter une politique du logiciel <http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3416--295278-,00.html> Mercredi 23 octobre 2002 (LE MONDE INTERACTIF) Un rapport du Plan préconise l'élaboration d'une stratégie cohérente d'achat et d'équipement, qui soutiendrait l'industrie informatique nationale. Dans un secteur à évolution (très) rapide comme celui des technologies de l'information, un acteur aussi balourd que l'Etat peut-il même rêver d'avoir un rôle ? Aussi étrange que cela paraisse, une commission du Commissariat général du Plan, présidée par Hughes Rougier, ex-PDG de Matra Datavision, répond "oui, il le peut". Premier constat de ce rapport intitulé "Economie du logiciel : renforcer la dynamique française", présenté le 17 octobre : le "retard" tricolore en matière de nouvelles technologies n'est pas aussi évident qu'il y paraît. Certes, la France a un nombre d'internautes ou de connexions haut débit moins important que l'Allemagne ou l'Angleterre, et l'Etat, avec sa filiale France Télécom, n'est pas dénué de responsabilités dans cette situation. Malgré cette faiblesse du marché intérieur grand public, l'économie du logiciel représenterait déjà environ 270 000 emplois en France, soit à peu près autant que l'automobile. Quant au chiffre d'affaires, il pourrait bien avoisiner 31,6 milliards d'euros en 1999 (47,6 milliards pour l'automobile), selon le Syntec informatique, l'organisation professionnelle du secteur. Certes, la France ne compte guère de grands éditeurs de logiciels, lesquels sont presque tous américains. En revanche, elle occupe une place confortable dans l'intégration de systèmes (Cap Gemini Ernst & Young est classé au 6e rang mondial), et des entreprises comme Dassault, Alcatel ou Thomson Multimedia occupent des segments non négligeables dans les nouveaux domaines du logiciel. L'Etat, qui n'a joué aucun rôle dans cette situation, peut-il aujourd'hui la faire évoluer ? Disons-le tout de suite, la seule proposition réellement forte du rapport est celle qui touche à l'Etat acheteur de logiciels. En 2000, l'ensemble des collectivités locales et des administrations a consacré une somme de 9 milliards d'euros à la dépense informatique. L'Etat aurait donc intérêt à penser sa politique en la matière, d'autant qu'il y va de son propre avenir : comme certaines tentatives l'ont montré - bien qu'imparfaitement - à Bercy, une politique logicielle intelligente offre à un gouvernement volontaire un moyen souple pour mener à bien une réforme de l'Etat. La recommandation de la création d'une direction des systèmes d'information centralisée, qui serait "responsable des choix d'architecture" et des outils communs à l'ensemble des structures d'Etat, ou encore celle d'une réforme du code des marchés publics, aujourd'hui mal adapté aux prestations intellectuelles en général et aux logiciels en particulier, paraissent frappées au coin du bon sens. Le but de toutes ces opérations serait bien entendu de réduire les coûts en profitant des offres d'infogérance par exemple, mais aussi de soutenir des solutions d'open source (libres de droits et perfectibles par une communauté d'utilisateurs) et de bâtir des partenariats durables avec des entreprises capables de travailler à des systèmes utiles au public comme au privé. Cette politique centralisée fait d'autant plus sens que, par sa force de frappe financière, l'Etat peut accélérer utilement des évolutions de marché en direction des logiciels open source. Des interventions bien ciblées peuvent aider à propulser au sommet un outsider national ou à réduire l'omnipotence de certains éditeurs, notamment américains, qui occupent des positions monopolistiques sur certains segments de marché. Outre sa capacité d'équipements, l'Etat peut aussi jouer un rôle utile en finançant la recherche. Parmi les pistes évoquées, la mise en place d'une politique d'incitations mieux ciblées vient en tête. Ainsi, le crédit d'impôt recherche pourrait être élargi, et le Réseau national des technologies logicielles (RNTL), créé en 2000 pour favoriser les coopérations privé-public dans le domaine des technologies logicielles, gagnerait à être mieux doté en moyens financiers. Actuellement, le soutien public au génie logiciel n'est que de 80 millions d'euros par an, ce qui n'incite guère les chercheurs du public à faire une carrière sur ce créneau. Les rapporteurs se sont également risqués à étudier la question de la brevetabilité du logiciel. Ayant compris qu'il s'agissait d'un domaine à forte teneur polémique où les tenants de l'open source se sentent pénalisés et où les recherches d'antériorité risquent de se révéler très conflictuelles, le rapport du Plan s'est refusé à une position tranchée. Et pour le cas où le champ du brevetable finirait par s'étendre, le rapport recommande un certain nombre de positions défensives : tenter d'écarter les méthodes et les algorithmes de la brevetabilité, ainsi que les formats et langages, et tenter de réduire à trois ans au lieu de cinq la protection des produits. Enfin, concernant la normalisation logicielle, le rapport demande à l'Etat d'y jouer un rôle incitatif. Des pouvoirs publics vigilants et en veille perpétuelle seraient ainsi à même de conseiller utilement des entreprises nationales ou privées pour qu'elles participent plus activement aux comités de régulation que les professionnels mettent spontanément en place au niveau international (le World Wide Web Consortium en est le meilleur exemple). Bien que la capacité de l'Etat à jouer les sages omniscients puisse être sérieusement mise en doute, il semble qu'une politique d'achat centralisée et intelligente vis-à-vis du logiciel est la piste la plus prometteuse. Car si l'abstraction informatique pouvait aider à venir à bout des corporatismes bien concrets qui paralysent ou confisquent le fonctionnement de l'Etat, cela serait déjà un progrès certain. Yves Mamou *Droits de reproduction <http://www.lemonde.fr/statique/0,2657,7472,00.html> et de diffusion <http://www.lemonde.fr/statique/0,2657,7472,00.html> réservés; © Le Monde 2002 Usage strictement personnel. 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