bobig on Sun, 12 Jan 2003 01:59:18 +0100 (CET) |
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[nettime-fr] De la gratuité |
De la gratuité L'art de Bobig et son temps « L'offre marchande d'un produit ou d'un bien, c'est la règle d'or des sociétés capitalistes. » Tetsuya Ozaki Il n' y plus guère de monde pour se risquer à donner une définition de l'art. Certain artistes ont toutefois la capacité de nous aider à y voir plus clair. Parce qu'il a su éliminer ce qui n'était pas indispensable (l'argent, les marchands, les intermédiaires) et conserver ce qui est indispensable (un créateur, une ouvre, un public), Bobig est de ceux-là. Comment rendre accessible l'ouvre sans tomber dans le marché ? A cette question cruciale Bobig a trouvé une solution à peu près sans défaut et en constant progrès technique : Internet. Les discours officiels de légitimation visent à accréditer l 'idée selon laquelle il existerait des net-artistes qui utiliseraient les ressources spécifiques du médium alors que ceux-ci se contentent de transporter sur le web leur petit arsenal d'artistes en quête de reconnaissance institutionnelle. Bobig, lui, a su se saisir d'Internet pour redéfinir radicalement la création artistique dans son rapport au public - habituellement soumis aux lois du marché. Il lui a suffit d'introduire un élément à proprement parler révolutionnaire (je pèse le mot, dans sa désuétude programmée comme dans son emphase) : la gratuité. Pourquoi les autres n'y ont-ils pas pensé ? Parce que la gratuité est la négation du marché de l'art que ces net artistes rêvent de rejoindre d'une manière ou d'une autre. Le monde de l'art en tant que marché, tend à se perpétuer à l'identique (en digérant Internet comme il a digéré l'art corporel ou la vidéo). Mais, c'est son point faible, il suffit d'un contre-exemple, pour qu'il apparaisse dans son absurdité. Pourquoi payer ? Pourquoi vendre ? Pourquoi un vendeur (galeriste) ? Pourquoi des professionnels chargés d'identifier l'art (institutions) ? Le doute qui s'insinue au contact de l'artiste Bobig est, on le voit, assez dévastateur et, est-il besoin de le souligner, salutaire. Pour justifier leur existence, les institutions et le marché en appellent souvent à la médiocrité de ce qui se produit en dehors ou sans eux. L'argument ne vaut pas en ce qui concerne Bobig. Photographie, vidéo, peinture : son art est pleinement de son temps. Sa force émotionnelle, son impact esthétique, frappent de prime abord l'internaute débarquant sur son site. Y a-t-il un lien entre ces qualités et la situation d'outsider choisie par l'artiste ? On peut se poser la question, comme d'autres le firent à propos de l'art brut. Bobig ne crée pas pour faire carrière, pour faire fortune ou dans le but d'obtenir une quelconque consécration. Il crée parce qu'il ne peut faire autrement. Les artistes de cette nature sont l'exception. Le plus souvent, ils sont décimés par la machine à formater qui tourne à plein régime, à l'université comme dans les écoles d'art. Les rescapés étaient jusqu 'à présent repoussés dans le hors champ de la non visibilité. Bobig a pris une décision dont il mesure la radicalité. Il se tient, de manière assez héroïque, sur une position qui tient, à première vue, de l' abnégation et du renoncement. Pourtant, en distribuant gratuitement ses ouvres via Internet, en les (aban) donnant, Bobig effectue un geste de libération vis-à-vis de la règle d'or des sociétés capitalistes. En effet, le collectionneur ou l'amateur se trouvant en possession d'une ouvre de l' artiste vit une expérience sulfureuse et implicitement condamnée : il contemple une ouvre (photographie, un dessin, une peinture, etc..) qui a échappé à son destin de marchandise. La gratuité, qui a trait à l'enfance, au jeu, au don et à la jouissance, devrait constituer la règle d'or naturelle de l'art. En adoptant une ouvre (aban) donnée par Bobig, vous démontrez concrètement, dans cette sphère hautement symbolique, que l'offre marchande d'un produit ou d'un bien n'est pas une fatalité. Captain P@t < n e t t i m e - f r > Liste francophone de politique, art et culture liés au Net Annonces et filtrage collectif de textes. <> Informations sur la liste : http://nettime.samizdat.net <> Archive complèves de la listes : http://amsterdam.nettime.org <> Votre abonnement : http://listes.samizdat.net/wws/info/nettime-fr <> Contact humain : nettime-fr-owner@samizdat.net