rossella on Sun, 28 Dec 2003 14:17:53 +0100 (CET) |
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[nettime-fr] Donna Haraway et le Cyberfeminism |
Science, Technologie et Cyberféminisme Avec ces quelques notes, il s'agit d'analyser certaines questions concernant les perspectives que la science va se choisir, avec une attention particulière sur la position des femmes, comme chercheuses et « créatrices » de science, tout autant que comme simples usagers. Dans ce sens, il me paraît utile de proposer une brève synthèse des idées de Donna Haraway, comme personnage central dans l'élaboration des théories et des pratiques du « cyberféminisme. » Ses analyses et propositions, en raison de leur « différence », offrent sans nul doute la possibilité d'ouvrir un débat fondamental, surtout aujourd'hui compte tenu de la présence des femmes dans les conflits en cours, que ce soit comme combattantes ou comme civiles. 1) Pour Haraway, le rôle historique des femmes dans le contexte du foyer, du marché, du travail et par rapport à l'Etat et aux institutions, à l'ère de la technologie industrielle, doit être considéré comme largement dépassé par la réalité même des progrès scientifiques et technologiques, au point de rendre obsolètes les relations sociales qui en découlent. La structure des sociétés occidentales se fonde sur une série de dualités – moi/l'autre, pensée/corps, culture/nature, masculin/féminin, civilisé/primitif, manufacturé/agricole – constituées par une relation entre un dominant et un dominé. Il faut dépasser cette conception en ce qu'elle est d'abord fonctionnelle aux intérêts (du) dominant,, qui ne l'est qu'en ce qu'en tant que miroir du dominé (comme disait Deleuze : le pouvoir vient d'en bas !). Le modèle homme/machine pour Haraway est le plus intéressant de ce rapport dans le cadre du dépassement de la dualité classique parce que les rôles de sujet et d'objet ne sont plus précisément définis. Il devient donc prioritaire d'appréhender la réalité d'un autre point de vue, où les machines ne nous dominent pas, mais où nous sommes « les machines » car nous sommes responsables de leurs limites, et dans le même temps, nous assumons le lien humain avec les outils technologiques : les limites du corps ne doivent forcément coïncider avec notre peau. 2) Le paradigme du dépassement de la dualité est, pour Haraway, le cyborg. La métaphore du cyborg, du point de vue du genre, désigne une femme hautement « technicisée » capable d'utiliser ces outils de la technologie pour ses propres besoins. D'autre part, les nouvelles technologies dans le domaine biologique, comme par exemple la reproduction « assistée », et dans la vie quotidienne, par exemple le travail domestique que nous faisons toutes avec des « machines », nous permettent d'affirmer que nous sommes déjà au cyborg. Il est important de rappeler que, du point de vue philosophique et cognitif, il n'y a aucune séparation ontologique fondamentale dans notre compréhension formelle d'une machine et d'un organisme. 3) Les femmes, dans le contexte actuel, sont les premières à devoir assumer un rapport personnel (intîme) de responsabilité avec la science, refusant la métaphysique antiscientifique et la diabolisation de la science, surtout parce qu'elle offre : - une amélioration de la vie quotidienne ; - les outils pour mettre en crise les structures de domination existantes ; - le dépassement des dualités, qui ont représenté, pour nous en tant que femmes, notre grille de lecture « obligatoire » du réel ; - la possibilité, pour les différentes minorités sociales, d'affirmer la pluralité de l'existant au travers d'expressions multiples et diverses. 4) Le développement exponentiel des technologies de pointes, leur diffusion de plus en plus déterminante dans les structures de la société occidentale, a produit une crise réelle de l'image (monolithique) du sujet dominant (homme, hétérosexuel, bourgeois, blanc). Dans cette perspective très fragmentée, les femmes doivent s'approprier, maintenir et amplifier (ceci selon leur situation spécifique tant individuelle que collective) l'espace de connaissance et d'utilisation de la technologie comme forme de libération. 5) Dans la continuité des théories de Donna Haraway s'est ensuite développée, aux Etats-Unis puis en Europe, une position cyberféministe sur les biotechnologies. Ces techniques ont permis de détruire la conception métaphysique du « naturel », et en particulier de la catégorie « femme. » Car le désir de maternité n'est pas le fruit d'un choix libre et individuel, mais la conséquence de la construction sociale occidentale, qui a besoin – entre autres – de nouveaux potentiels consommateurs. La structure de la société actuelle est fondée sur la famille biologique mononucléaire. Or les femmes sans compagnon, les femmes âgées, les lesbiennes sont exclues de l'utilisation des biotechnologies, comme elle sont exclues de toute capacité de prise de décision. Dans le cas spécifique de la maternité, le cyberféminisme a ainsi toujours considéré la procréation comme un principe de dépendance à l'homme. Les nouvelles techniques de reproduction nous permettent de nous soustraire à la maternité, comme répétition et sanction des structures socio-économiques actuelles, si l'on veut choisir la « différence. » En tout état de cause, la technologie et la science sont en mesure de libérer les femmes d'un rôle historique, rôle qui a structuré leur propre identité au travers des siècles. L'élimination dans la réalité des dualités nature/culture, femme/mère est partie intégrante de ce processus. Sans nul doute, en tant que femmes, nous ne pouvons et ne devons plus nous soustraire à une confrontation avec la science et la technologie, et encore moins dans le domaine de la communication et de l'information où la coopération cognitive a déjà permis à des communautés de femmes de s'exprimer. Rossella ----- Donna Haraway Donna Haraway est née au Colorado, d'une famille catholique d'origine irlandaise. Elle a fait une partie de ses études en France, elle a une maîtrise en biologie et après la seconde guerre mondiale, comprenant à quel point la science était utilisée par l'armée, elle s'engage activement sur le terrain des droits civils et contre la guerre au Vietnam. En 1971 a lieu son premier cours sur « Femmes et science » à l'université de Honolulu. Ensuite elle va à Baltimore où elle milite dans un groupe féministe socialiste ; à partir de ce moment, elle développe sa pensée antiraciste, non-sexiste et critique sur les applications de l'électronique, de la chimie, et de la biologie dans l'industrie de guerre. Elle publie son premier livre (Cristal, fabrics and fields : metaphors of organicism in twentieth-century developmental biology, Yale University Press, New Haven, 1976) concernant la biologie évolutive et ensuite elle écrit Primate visions : gender, race and nature in the world of modern science, routledge, New York and London, 1989, qui analyse sous diverses angles la primatologie. En 1980 elle enseigne la théorie féministe à l'Université de Californie, à Santa Cruz, et commence à travailler sur la figure du cyborg et sur les autres « hybrides et fusions entre l'organique, l'humain et le technique, et la façon par laquelle le matériel, le littéraire et le tropique implosent. » Le résultat de ses études est publié dans un recueil de textes dont le titre est : Simians, Cyborgs and Women : the reinvention of nature, routledge, New York 1991. Sa dernière publication parue est : Modest-witness @ second millenium. FemaleMan meets oncomouset routledge, New York and London, 1995, sur la critique féministe de la science. Le « Manifeste Cyborg » a été traduit en français par Nathalie Magnan, et est publié dans : Connexions, art, reseaux, media, Ecole nationale superieure des beaux-arts,Paris 2002. < n e t t i m e - f r > Liste francophone de politique, art et culture liés au Net Annonces et filtrage collectif de textes. <> Informations sur la liste : http://nettime.samizdat.net <> Archive complèves de la listes : http://amsterdam.nettime.org <> Votre abonnement : http://listes.samizdat.net/wws/info/nettime-fr <> Contact humain : nettime-fr-owner@samizdat.net