RE: [nettime-fr] Bye Bye Avedon...

["David Christoffel" <david.christoffel@free.fr>]

Chers tous,

Il ne vous a pas échappé que Richard Avedon est mort un mois avant les
élections et qu'il n'arrive qu'aux grands hommes d'avoir de la suspension
dans le dernier souffle et beaucoup d'esprit jusque dans la manière et le
moment de mourir (en plein projet 'On Democracy'). Mais, après Moma et 81
ans, on déconne pas avec les valeurs sûres ! Et cette obscénité n'est sans
doute pas si importante que ça dans la mesure où, justement, celui-là savait
mieux que personne ce qu'était l'éclat des grands dans leurs singularités
(on ne retiendra jamais, de ce point de vue là, qu'un name-dropping allant
de Chaplin-Monroe à Moore-Morrison, avec Cousteau-Björk entre les deux).
C'est qu'Avedon inspirait une inégalable équivalence du célèbre face au
célèbre et avec une force d'évidence décalquée jusqu'aux grands hommes
invisibles, puisque l'AFP désigne "par exemple les orphelins de Danang,
pendant la guerre du Vietnam".

Encore lundi dernier (27 sept.), une photo de Richard Avedon paraissait en
pleine page dans le New Yorker, l'AFP est formelle : "c'était Teresa Kerry,
léger sourire et chemise blanche, saisie en toute simplicité, sur fond
blanc, comme l'affectionnait Avedon."

Je voulais seulement vous partager mon effroi de voir l'image sociale du
faiseur d'images photographiques se dépraver dans un bon goût
on-ne-peut-plus indécent étant données les prétentions qui l'accompagnent.
Sur www.richardavedon.com, on peut lire une postface d'Avedon au "Journal
d'un siècle" de Jacques Henri Lartigue. Il vénère les poires comme culs et
les dunes de sable comme seins. A ce que j'ai compris, il honore Lartigue
pour s'être emparé de quelques techniques comme le film ultra-rapide qui
pouvait avoir tendance à être accaparé par la photographie sportive. Il
ajoute que cela ressemblait à un consensus non-dit des artistes-photographes
de ne pas toucher à ce qui pourrait les assimiler à l'illustration et trop
les éloigner de la peinture. Ce que je ne comprends vraiment pas, c'est
comment en arriver à honorer des effets trompe-l'oeil là où il s'agit de
s'en remettre à de ces techniques qui devraient permettre à l'assimilation
poires-culs ou dunes-seins de faire autre chose qu'un jeu de l'ambassadeur
pour cocottes toujours prêtes à pouffer.

Maintenant qu'il est mort, même s'il est sans doute parmi d'autres, il
pourrait devenir "celui qui" a dit que la technique ne se donnait pas aux
ambitieux. Et c'est encore plus subtile, Avedon était marqué par
l'exactitude des dessins que Lartigue faisait de ses photos de peur de les
perdre au moment (alors périlleux) du développement. Aussi, pour Avedon,
Lartigue n'est pas un journaliste parce qu'il n'y a pas de hasard dans ses
bonheurs de vue. Comme si la question était d'être, ou non, un journaliste.
Comme si Dieu n'était pas encore assez mort pour qu'on ne soit pas
irrémédiablement égaux devant la platitude de l'événementiel. Et Avedon ne
s'y est pas trompé, il s'est tapé les lieux communs, il a lutté contre eux,
il a sacrifié sa vie... comme tout le monde Mais, quant aux petits dessins
de Lartigue, Avedon était captivé par leur précision en comparaison aux
photos qu'ils pré-reconstituaient. En définitive, il honorait la capacité de
Lartigue à se souvenir du moindre détail, il célébrait l'habilité du
photographe à saisir l'instant précis où les choses ne sont tellement pas ce
qu'elles étaient juste avant, présumées plus fades alors que justement
rappelées par le pointu du moment du petit oiseau.

En définitive, je crois qu'Avedon est encore dans le fétichisme, que
Lartigue était pourtant au-dessus de ça et qu'il y a encore trop de petits
oiseaux qui vont sortir..

Bonnes continuations à tous,
david

-----Message d'origine-----
De : Louise Desrenards [mailto:louise.desrenards@free.fr]
Envoyé : lundi 4 octobre 2004 09:44
À : nettime-fr@samizdat.net
Objet : [nettime-fr] Bye Bye Avedon...


Eve's temptation -to whom the fault? he?-))
 (Autun, Fr)


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