Louise Desrenards on Sat, 26 Aug 2006 16:37:56 +0200 (CEST)


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[nettime-fr] Pour mémoire du désordre cachant l'ordre du pouvoir, le Kosovo...


Prendre son soufle, les deux phrases qui suivent sont de mes plus longues
(et pourtant loin de toute confusion avec le monologue intérieur non ponctué
de la femme d'Ulysse même si ce n'est elle... que j'ose constituer en
métaphore hypothétique de la tapisserie  sans fin des revendications de
Pénélope pendant la traversée de l'écriture de Joyce ? moi pêtit vermiceau:)

Au milieu du salmigondis que sont en train de devenir l'enjeu et les
partenaires sélectionnés et cooptés qui finalement composeront la FINUL
(apparemment les voulus ne se pressent pas), avec la cote mal taillée des
intérêts personnels présidentiels de celui qui mène la diplomatie de son
"amitié traditionnelle avec le Liban" contre les voisins alliés du Liban,
profitant de la situation pour relancer l'armée européenne comme facteur
d'hégémonie supra nationale autrement politiquement introuvable, et
éventuellement relancer EADS en renforçant l'Italie en place de l'Angleterre
(qui s'est volatilisée en même temps que Largardère, ne supportant plus
l'entrisme de Dassault tant dans les armes que dans les médias, alla mettre
son argent dans l'armement américain), sans citer un seul mot de la
Palestine comme si le hezbollah libanais n'était pas intervenu en renfort du
hamas élu, exterminé par l'armée et les services secrets israéliens
(emprisonnements, tortures, assassinats), et quand, enfin, la ministre de
affaires étrangères israélienne (absolument représentative du camp qui a
voulu et a mené cette guerre folle) vient pleurer la sécurité d'israël
affaiblie par son échec, appelant par une ruse grossière pour sauver son
pouvoir à l'intérieur, les européens en renfort pour relayer Tsahal à la
frontière syrienne, et pour désarmer les chiites (tout chiite étant présumé
être un hezbollah cachant des armes sous ses jupons troqués pour des jeans
en vue de plus de discrétion), où Israël n'a pu les exterminer
balistiquement ni humainement (par exemple versus l'aviation égyptienne
terrassée au sol, genre Pearl Harbour, il y a un demi siècle, ou versus
Sabra et Chatila en 82 mais cette fois de nouveau, au Liban, pour couvrir
plus large, par les bombes plutôt que par les armes de poing ou d'assaut ?
comme quoi, contre toute apparence et conviction historique, on est
aujourd'hui moins bien servi par soi-même que par les autres quand on est le
pouvoir israélien), comme ils s'agit maintenant d'une armée de résistance
qui ne porte pas d'uniforme mais s'est édifiée des armes au long des
années...  et tient, bien sûr, ses bases de soutien dans les pays voisins,
comme n'importe quelle guerilla de libération victorieuse l'a toujours fait
contre les armées coloinialistes ou impérialistes, dans le passé...

Pour le dire plus précisément, au moment où les négociations diplomatiques
pour installer la FINUL font le vide de la Syrie, de l'Iran, l'ellipse du
hezbollah libanais, (vilains communistes sectaires mystiques et fanatiques,
quoiqu'inexplicablement mouvement de réussite tactique et stratégique plutôt
que martyrs ? et pour la seconde fois de son histoire, objectivement pour la
souveraineté libanaise plurielle et la preuve), au moment, donc, où les
leaders de la FINUL et monsieur Annan rejettent "les pays musulmans" "qui ne
sont pas des alliés d'Israël", tout en appelant au secours quelques
musulmans soumis à la globalisation du monde impérialiste araisonnant
l'autre, en place des musulmans réfractaires, pour faire vibrer la palette
de l'unité supra nationaliste et supra économique européenne, adossée à
l'identitarisme occidental judéo-chrétien, concept européen purement inventé
pour réconcilier la seconde guerre mondiale (comme si la culture juive
n'était pas plurielle et contradictoire en elle-même, et la culture
chrétienne aussi), et comme si la Syrie, par exemple, n'était pas de
surcroit un pays laïque...

... au moment où il n'y a pas que ce membre probable/ possible de la CIA que
fut et qu'est l'ancien chef du gouvernement espagnol (comme son homologue
toujours en place en UK), pour revendiquer l'intégration d'Israël dans
l'OTAN, mais de plus, postant depuis l'Italie, le parti radical
transnational lui-même, dont une personnalité tel Marco Panella appelant à
signer un manifeste semblable, au nom de la paix qui n'en sera évidemment
jamais une, sauf abolition absolue de l'existence philosophique de la
citoyenneté politique, je voudrais rappeler ce texte de Baudrillard à propos
de la guerre du Kosovo, si peu avaient alors ressenti cette guerre où elle
ressortit ensuite...

Alors qu'il s'agit de la continuation de la même politique
d'occidentalisation du monde dans la FINUL européenne "continentale"
aujourd'hui, enfin constituée sans la participation anglo-américaine (ce qui
laisse supposer comme le fait et la cause américaine de l'armée européenne
dans l'OTAN sera enfin entendue sans forcer, à la porte de l'Iran et de la
Syrie, aux marges desquels 15 000 GI américains et anglais supplémentaires
viennent d'être envoyés prêts pour la suite (le fiasco annoncé de la FINUL
comme force de paix converti en guerre d'occupation contre la Syrie, l'Iran,
et pourquoi pas bientôt le Pakistan), sous couvert de "renforcer la
démocratie" par la guerre de la terreur du désarmement massif, "contre la
guerre civile" en Irak, comme Franco déclara autrefois faire la guerre
contre la guerre civile en Espagne renforçant son pouvoir, sur fond de
Guernica, et qui araisonne tout le Moyen Orient de l'Europe à l'Inde (autant
dire de l'Atalntique au Pacifique au Sud de la fédération de Russie et de la
Chine, dans le sens qui arrange la superpuissance (avec le concours final du
gouvernement libanais ?)...

Etrange, étrange... Comme cela est étrange et ne peut donc se dire autrement
qu'en vagues de ressentiment et d'incertitudes...

L.

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PS/ C'était dans Libération, en 1999, Jean Baudrillard parlant 'clairement,
de la guerre du Kosovo...

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" Partout en Europe, les minorités ethniques sont en voie de disparition.
Tous les Etats en tant que tels ne peuvent qu'être fondamentalement
complices de Milosevic.

 
Duplicité totale de cette guerre
 
Par JEAN BAUDRILLARD
Le jeudi 29 avril 1999
 
 
 
 
 
        Il faudrait quand même extraire les raisons cyniques de cette
«guerre», les raisons inavouées de cette intervention qu'on dit être un
échec, qu'on dit catastrophique sur tous les plans. Et justement, c'est là
où nous vient un doute cruel sur toute cette mise en scène. Tant d'erreurs
accumulées, tant de tergiversations et d'actes manqués doivent bien avoir un
sens, et cette persistance dans la confusion tactique, dans cette guerre
velléitaire qui rate comme délibérément sa cible (je parle des Occidentaux:
Milosevic n'a pas raté la sienne), tout cela ferait douter de la définition
même de la guerre: la poursuite de la politique par d'autres moyens. Si
cette définition vaut encore, alors tous nos stratèges et nos politiciens
occidentaux sont idiots, ce qui n'est pas à exclure, mais avant d'en arriver
à cette extrémité demandons-nous s'ils ne sont pas au contraire en train de
mener à bien et de réussir une opération parfaitement programmée, qui en
tout cas se déroule comme si elle l'était.

On dit: l'Otan ne fait que des erreurs. L'Europe est incapable d'avoir la
moindre politique concertée. Mais NON, c'est exactement le contraire. Que
fait Milosevic? Il élimine ses minorités, en particulier bien sûr la
minorité musulmane, ce en quoi toute la Yougoslavie «blanche», catholique ou
orthodoxe, est derrière lui. Mais pas seulement la Yougoslavie. Toute
l'Europe est derrière lui. Tous les Etats nationaux européens ont des
problèmes avec leurs minorités de souche ou immigrées qui ne vont pas
s'exténuer bien au contraire. Partout les minorités ethniques,
linguistiques, toutes les singularités sont en voie de disparition ou
d'élimination. Milosevic est le porte-drapeau de la purification, mais elle
est partout à l'¦uvre dans une perspective politique, au-delà de toutes les
rodomontades sur l'autonomie et les droits de l'homme, tous les Etats
européens en tant que tels (je ne parle pas des populations, mais que
sont-elles, sinon la caisse de résonance idéologique et humanitaire de
l'information?) ne peuvent qu'être fondamentalement complices de Milosevic -
quitte à le vomir comme leur mauvaise conscience et à faire semblant de le
châtier parce qu'il fait trop bien (c'est-à-dire trop mal, trop brutalement)
le sale travail. Mais on lui aura laissé tout le temps pour le faire.
Pourquoi regretter inlassablement qu'on ne soit pas intervenu un an, deux
ans, trois ans plus tôt (ça fait quinze ans que ça dure), et pourquoi, par
quelle méconnaissance stupéfiante de la situation, l'Otan a-t-elle engagé
des frappes aériennes sans se douter des conséquences au sol (alors que
tellement d'experts ont dû y réfléchir pendant des mois), et pourquoi ne pas
paralyser immédiatement les forces serbes au sol, au Kosovo, au lieu de
déployer une logistique aérienne plus ou moins inutile? Eh bien, ça crève
les yeux - tout devient clair si on imagine que les frappes aériennes sont
là pour ne pas intervenir au sol ou pour retarder le plus possible
l'intervention - quand tout sera fini. Solana l'a bien dit (sans se douter
qu'il trahissait cruellement la vérité politique de cette guerre): «Nous ne
reprendrons les négociations avec Milosevic (tiens: on ne cherche donc plus
à s'en débarrasser?) que lorsqu'il sera mis fin au nettoyage ethnique» -
entendez bien: lorsqu'il sera achevé. Ce qui se déroule implacablement. Dans
ce sens, cette guerre - ou du moins l'opération qui sous-tend cette guerre
qu'on nous donne à voir - se déroule de façon optimale, quasiment
programmatique. Parce que Milosevic est l'exécutant de la politique
européenne, la vraie, la seule, celle d'une Europe blanche, propre, expurgée
de toutes les minorités - politique négative, politique exclusive et
intégriste, mais pourquoi se faire des illusions, l'Europe n'a aucune idée
positive d'elle-même, l'Europe n'est que hantée par le spectre de l'Europe
-, pour toutes ces raisons nous faisons semblant de le combattre, mais
toujours trop tard et mal. De toute façon, ce n'est pas fini: après le
Kosovo, le Monténégro, comme ailleurs le Kurdistan, la Palestine, etc. (la
tragi-comédie du «processus de paix» au Moyen-Orient relève très exactement
de ce «retardement» indéfini et calculé).

Mais les choses sont encore plus compliquées. Car si l'Europe a une
politique déterminée, sinon délibérée, celle d'une future coalition
d'entités nationales qui auront fait le ménage chez elles (sinon comment se
consolider mondialement face à l'Amérique?), et non pas du tout
multiculturelle et multiraciale, l'Amérique, elle, via l'Otan, a une
stratégie tout aussi déterminée. Après être venue à bout du communisme au
terme d'une troisième guerre mondiale froide et décongelée, après avoir
neutralisé l'autre puissance immédiatement menaçante, le Japon, grâce à une
déstabilisation elle-même largement calculée des places financières
asiatiques, l'Europe est désormais son point de mire, et son objectif celui
de faire échec le plus longtemps possible aux velléités de multinationale
européenne cohérente, qui deviendrait une rivale menaçante. Le meilleur
moyen pour cela est de désunir l'Europe en la prenant au piège d'une guerre
dont celle-ci ne veut pas et qui ruine ses dernières chances, en venant
éventuellement au secours des minorités (Bosnie, Kosovo, Kurdes, etc.), dont
l'Amérique elle-même n'a rien à faire, et dont tout le monde veut
secrètement se débarrasser - l'ennemi public mondial numéro 1 étant de toute
évidence l'Islam et le front islamique, car le seul profondément réfractaire
à la mondialisation en cours -, là est le véritable front de la quatrième
guerre mondiale. On négociera donc inévitablement avec Milosevic, on le
laissera survivre (tout comme Saddam Hussein) moitié pour consolider le
nettoyage, moitié pour brouiller les cartes de l'Europe. Même la présence au
sol d'une force internationale (dont on connaît toute l'ambiguïté dans la
continuation des massacres en Bosnie) n'y changera rien. L'Amérique sait
donc parfaitement ce qu'elle veut - c'est à croire que les experts du
Pentagone sont des génies (même politique à travers Israël: maintenir
partout les abcès de fixation et de déstabilisation, faire la police en se
faisant à la fois le champion des victimes et le complice des bourreaux).
Mais il n'en est rien: c'est le cours inéluctable du Nouvel Ordre mondial
qui veut cela, et ils n'en sont que les opérateurs. Quant aux Européens,
impliqués (mais on a vu avec quelles arrière-pensées) dans l'action de
l'Otan, qui travaille à leur déconfiture, ils plongent dans une situation
confuse et insoluble. Chaque Etat est pris aujourd'hui entre deux ennemis au
fond: ses propres minorités et l'Amérique. Gérer à la fois le Nouvel Ordre
mondial à son échelle (éliminer tous les éléments hétérogènes et
réfractaires) et subir les effets d'une mondialisation à grande échelle,
dont l'Europe telle qu'elle se profile est à la fois le relais et la
victime. C'est plus ou moins sans espoir. Reste le refuge de la coalition
humanitaire, à défaut de politique cohérente - autre contradiction
pathétique, car secourir les victimes en tant que victimes ne fait que
consacrer le succès de l'opération de nettoyage. Mais Benetton va pouvoir y
ressourcer sa publicité, et chacun, «en arrêtant de fumer et en reversant
l'équivalent aux Kosovars, pourra sauver deux vie en même temps»!
Il y a donc une duplicité fondamentale de cette «guerre», dont la moindre
n'est pas de nous sommer d'être pour ou contre. Rien ne permet de prendre
parti dans une guerre qui est un leurre, qui se joue pour autre chose et
dont les objectifs sont masqués, inavoués et peut-être même obscurs à la
conscience des uns et des autres. C'est être parfaitement dupe des raisons
cyniques et secrètes de cette guerre, que masquent à profusion et de toutes
parts les commentaires idéologiques, intellectuels et humanitaires. Anéantir
Milosevic? C'est ne pas voir que nous en sommes complices. Arrêter tout,
aller jusqu'au bout de quoi? C'est ne pas voir les subdéterminations de
cette guerre qui n'a jamais véritablement commencé, étant donné qu'on n'a
jamais vraiment voulu en finir, et qui n'est que l'un des multiples épisodes
à venir d'une confrontation cette fois véritablement elle-même. D'où la
difficulté paradoxale de mettre fin à une guerre qui n'est pas la vraie,
dont la duplicité est totale et dont les objectifs n'auront même pas été
atteints - mais qui se déroule en fait, derrière cette duplicité et ces
fausses man¦uvres, exactement comme elle doit se dérouler. Il est donc
absurde, en plein truquage et en pleine désinformation - qui fait elle-même
partie de la «catastrophe humanitaire» (quel lapsus! ou cette catastrophe
est humaine ou c'est l'humanitaire lui-même qui fait partie de la
catastrophe) d'être pour ou contre. Ce qu'il faut dénoncer et percer à jour,
c'est d'abord l'illusion de cette guerre. A la Realpolitik il faut opposer
une Realanalyse - ce qui n'empêche pas la violence des réactions et des
sentiments que peut provoquer cette mondialisation hégémonique. Mais, pour
la combattre, il faut savoir, derrière les péripéties idéologiques dont la
guerre et les médias font partie, qui est vraiment du bon ou du mauvais côté
de l'universel... Nous les Occidentaux sommes du bon côté de l'universel.
Honneur à ceux qui sont tombés du mauvais côté. Honneur, et non pas
compassion. Pas de compassion pour les victimes, mais pas de pitié pour les
autres.

J.B." 
 
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