Louise Desrenards on Wed, 27 Aug 2008 23:12:44 +0200 (CEST) |
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[nettime-fr] France-Canada d'un concert à "Lindbergh" transexué -- des questions socio-culturelles posées par les singularités de la scène du divertissement |
Ariane Moffatt et Julien Doré aux plaines d'Abraham, Québec, 24 aôut 2008 : commentaire du CR (adapté pour nettime-fr) _/_/_/_/_/_/ Alors, il me vient comme pouvant être suggéré en débat élargi, quelque désir de commenter à mon tour le compte-rendu de Lorelle, amie vivant au Canada, elle-même musicienne (saxophoniste), dans le site que nous faisons ensemble "Julien Doré + Dig Up Elvis" à propos de l'émergence dans le divertissement, et l'art conceptuel post-situationniste, CR qui installe volontairement des questions : http://juliendoredigupelvis.level52.com/t563-CR-Paris-Quebec-24-aout-2008-Plaines-d-Abraham-Quebec.htm#p945 et en même temps de proposer des réponses hypothétiques, pour voir si d'après elle celles-ci pourraient correspondre au ressenti qu'elle garde du concert. D'où que je me m'adresse à elle dans ce qui suit. Pour l'iconographie photographique de la tenue en scène, se reporter au lien du CR. 1. "Lindbergh" transexuel : d'Ariane Moffatt à Julien Doré interprétant Charlebois Ce qui me convoque c'est la contradiction plutôt qu'un paradoxe ressenti et exprimé par Lorelle entre la présentation scénographique de Julien et d'Ariane (puissante) et leur rendu vocal de la chanson interprétée (en désaccord) -- je la cite : "Quand je les ai vus, j'ai pensé que le look de Julien était complétement en miroir complémentaire avec le style d'Ariane Moffatt. Ca allait super bien avec elle, ça créait un vrai duo. Ca donnait quelque chose de fort sur scène. Pourtant, je reste avec l'impression qu'ils ne se sont pas trouvés dans l'interprétation. Visiblement. J'ai hâte d'entendre l'émission TV car sur place, sa voix était vraiment couverte par les basses et Ariane M. Pour « Les limites », il est apparu dans un ensemble bleu clair ressemblant un peu à un jogging :-). Il n'avait pas de guitare, c'est l'orchestre qui a tout fait mais il y avait des cuivres ! Il n'a pas monté en voix de tête sur le dernier refrain mais d'une voix puissante. J'ai trouvé sa performance mieux qu'à la répétition." D'un côté il reste impressionnant et déroutant de les voir tous les deux transgenres, en opposition complémentaire de leur présentation, que tu considères impressionnante en Live et que nous percevons nous aussi, photographiquement, comme forte, une sorte de dramaturgie des costumes respectifs appartenant à des univers réels-fictifs diffférents, et donc sans réciprocité ; de la même façon que toi nous ressentons cette opposition spectaculaire comme un choix critique qui pose des questions en soi -- indépendamment de toute autre. Ce qui de leur part, bien sûr, pourrait être le résultat d'un choix consensuel pour traiter leur communication décalée respective, de façon dialectique, réciproquement, en scène. Mais de l'autre côté, tu notes que le rapport cognitif de leur aspect n'est pas suivi d'une cohérence dans l'interprétation musicale comme un agrément entre eux. Ce qui pose une seconde question dont la réponse procure peut-être un éclairage modulant les réponses possibles à la première question. Il est vrai que j'ai aperçu un mini fragment de cette interprétation (tout à la fin) et qu'elle ne constitue pas à proprement parler un appel à entendre la suite, a fortiori s'il s'agit d'un son off avec Diane Dufresne et Patrick Bruel dans "La complainte du phoque en Alaska" (d'après ton écoute) pas de "Lindbergh" MDR : http://www.viddler.com/explore/djolio7/videos/105/]http://www.viddler.com/explore/djolio7/videos/105/ en tous cas on les voit en mouvement et ce sont bien eux (vus des backstages). Alors je me suis posé la question : qui est Ariane Moffatt ? Elle qu'à vrai dire je ne découvre à l'occasion de cette cérémonie, petite et potelée impérative, vêtue de bleu marine et blanc au ras du cou (pour ainsi dire) : est-ce une enfant de Marie ? Elle n'en a pas le gabarit mais celle d'une femme qui a déjà du vécu... Bien loin de cela : et je ne l'ai compris qu'à lire ton post cité, qui l'installe dans ses références de travail musical (de grandes lignées de la vairiété jazzy et bluesy), et le lien de son site, auquel il mène : [quote="Lorelle"] For more information, here the link of the Ariane Moffatt's site http://www.arianemoffatt.com/]http://www.arianemoffatt.com The beginning of her biography on the site: Ariane Moffatt is still a very young person when begins her big love story with the music. She studies the piano, is early interested in the jazz singing. Teenager, the one who grew in the region of Quebec leaves for Montreal, where she begins a music band in Cégep Saint-Laurent. She soaks then in the universe of Tori Amos, Ben Harper, being already interested a lot in songwriters, to whom writing, composition and orchestration are connected. Some competitions follow, where every time she becomes famous: Cégeps in spectacle in 1996, The Empire of the future stars in 1998 (she is crowned better interpreter there), then a short but a trainer adventure trip hop with the band Tenzen. His diploma of collective studies in pocket, Ariane Moffatt joins in popular music and singing in the University of Québec in Montréal, but the scenic ease of the artist on ear is a less and less well kept in secret. Marc Déry soon introduces her into his live formation, him who leads a joint tour with a certain Daniel Bélanger. A bit further, this last one enlists her in his turn, as keyboard player and chorus-singer, for his tour " Dream better ". She will run also in first part there, alone in the guitar. [..] [/quote] http://juliendoredigupelvis.level52.com/t562-W-canoe-com-Paris-Quebec-Through-the-song-24-08-08.htm#p939 Et je m'édifie de façon précise, après avoir surffé depuis google, renforçant les références que tu informes, qu'elle est en train de s'affirmer comme star au Canada, avec une connotation critique et radicale de ses textes, en termes d'image et de communication, rendue évidente par son look. Ainsi, je découvre ici et là, et aussi dans la présentation de son site, que ces tenues austères (sans decolletés et ne montrant qu'une partie respectable des jambes) sont généralisées, avec leur couleur quasi monochrome (bleu marine réhaussé de blanc, noir, noir réhaussé de blanc, blanc : robes droites, juppes, vestes ou pantalons), constituant son nouveau look ; un look iconoclaste de la féminité médiatique hétérosexuelle, neutre (plutôt que masculin) mais établi, celui de sa révélation populaire, succèderait à sa première période au look baba, plus féminin mais marginal -- sa période activiste musicale plus privée, et alternative. Enfin, je visionne le clip de la chanson "Réverbère" proposé dans son site, et je découvre clairement que les hommes n'envahissent pas le cadre, c'est le moins qu'on puisse dire puisqu'il n'en est aucun. Ce sont des amies asiatiques qui s'opposent en suggestion de dames noires, infernales et/ou morbides (la drogue ou l'alcool ? la mort en tous cas), et le contrepoint d'une vision paradisiaque, rose et laiteuse, sans menace, qui appelle le bonheur d'une douce utopie voluptueuse, florale, lesbo-fémininiste. Adaptation naturaliste des mangas en dérive autobiographique -- ou fiction ? Mais Lesbos dans les deux cas attribuerait au renoncement hétérosexuel le look austère comme partie de la communication critique à double détente sociale médiatique et sociale communautariste envoyée par Ariane Moffatt, ou de plus le pantalon de la vision nocturne la désignerait comme principe dominant (associé à la sexuation masculine) vaincu par la robe blanche dans la vision paridisiaque. L'idée alors serait-celle-ci : quelle vision également socialement critique, mais intégrée à l'univers décalé de Ariane Moffatt, Julien Doré pouvait-il présenter en scène, pour accomplir le jeu poétique partenaire avec la force radicale du look de la chanteuse en duo, sinon celle d'un androgyne contemporain ou de science fiction réalisée, non un homme, depuis des costumes féminins qui pour autant ne lui donneraient pas l'air d'une femme mais d'un personnage de genre ou d'un transgenre ? Et bien sûr la réponse à cette question est dans la solution du décodage critique de la tendance de la mode féminine actuelle qu'il aurait métamorphosée, collant sans pied en vogue cet été, tunique courte baby doll évoquant La Guerre des étoiles, altérée par des épaules effacées et des bras peu musclés, le tout mué par une coiffure asiatique -- celle du chignon masculin de l'art martial signalé par le Kung Fu ou l'art du sabre des samouraïs. Et le tout déclinant le thème du manga dans une dérive vestimentaire asexuée (ou homo et hétéro bisexuée), autocritique masculine multiforme, faisant face à la proposition féminine exclusive du clip "Réverbère". Mais il n'est pas certain que ce choix, à la fois plein de transcendance humoristique de leurs singularités personnelles, médiatiques, et créatives, et de séduction respectueuse de la personnalité de la partenaire de l'invité, ait été pris pour ce qu'il est par celle dans la cour de laquelle il joue. De plus, il se peut que le conformisme général de la manifestation ne s'en soit pas bien porté.. Pourtant, Herman Düne, ou Devendra Banhart, et bien d'autres ayant précédé cette dérive de la sexuation costumière par la leur, auraient pu lui attribuer un détournement ou un plagia adapté de leurs propres actes. Quant à nous, nous nous souvenons des vêtements de scène de l'été dernier, notamment le manteau féminin en mouton retourné maternel qui suivit la scène de Julien Doré en s'adaptant à divers accessoires personnels et collectifs utilisés au long de la route, dérisoires mais référentiels et/ou significatifs, jusqu'à la reprise des "Démons de minuit", musicalement adaptée avec Guillaume de Molina, qui les recense, (voir au lien), http://juliendoredigupelvis.level52.com/t64-V-Les-demons-de-minuit-Hits-de-Diamant-09-2007.htm?q=d%C3%A9mons+minuit présentée au "Hits de diamant" sur M6 TV en septembre 2007, en clôture du nrj Tour de l'été de Nouvelle Star, en France. De là, la voix de velours d'un couplet de "Lindbergh" chanté par Julien Doré, sans doute en quête de contraste avec l'autre voix du duo, évoquée par Lorelle, serait le prolongement de ce jeu face à la "masculinisation" de l'interprétation ancestrale souhaitée au contemporain, tentée, ou effectuée, par Ariane Boffatt, autre figure de l'androgyne réinvestissant la tradition sexuéee. Enfin, malgré l'effet produit en scène, Ariane Boffatt rejetant le principe en miroir de la proposition critique de l'androgyne de Julien Doré -- provenant de la sexuation masculine altérée par son apparence, en cohérence d'une "voix d'ange" produite par un homme certes trans mais sans agélisme quant à l'engagement social critique --, n'admettrait pas davantage le dualisme des voix correspondantes. Lorelle que penses-tu de cela ? As-tu ressenti qu'il s'agît de la confrontation de deux univers de création altiers l'un par rapport à l'autre ? Ou d'un manque d'humour de l'artiste canadienne, incapable de transférer poétiquement sa propre situation dans celle de l'autre (le transfert poétique de situation est une formulation de Jean Baudrillard appliquée à la critique sociale), ce qui est quant à lui son terrain de prédilection créatif ? ou encore d'une impossibilité de s'accomoder de la réponse autocritique de la sexuation comme carte proposée par Julien Doré -- car il reste que l'androgyne de Julien Doré soit incontournablement doté d'une barbe :-) ? Ou tout simplement, l'absence de plasticité possible de la nouvelle image promotionnelle d'Ariane Moffatt, face la plasticité sans limite de Julien Doré contre l'image -- et contre la représentation dont la reproduction de soi -- inspiré de Lautréamont ? Et là il me vient une idée : et si le but escompté des agents des artistes ou des programmateurs du concert d'avoir associé ces deux artistes en duo sur scène au Canada, loin d'avoir pour objectif de présenter l'exportable français Julien de manière favorable au public canadien, avait été tout au contraire de présenter la canadienne à vocation de star Ariane Moffatt au public français et plus largement, par le biais d'un duo avec un jeune artiste populaire sur le continent européen francophone ? (Universal et Sony s'arrangeant ensemble de cette façon:) Alors on comprendrait d'autant mieux le choix plastique radical, artistique dans le plus large sens du terme, adressé en quête de déstabiliser l'imaginaire public associé à la représentation générale, comme acte de Julien Doré pour envoyer un signe d'autonomie et manifester sa personnalité contre la communication préétablie de son duo et de sa performance solo. Enfin, que penses-tu de la capacité poétique possible des paroles et de la musique de la chanson de Charlebois dans le cadre de la proposition veloutée de Julien Doré et celle en puissance de Ariane Boffatt ? Je veux parler de l'actualisation de la chanson dans un cadre immédiatement contemporain. Mais il ne faut pas oublier aussi un désir impératif du "velouté" vocal exprimé par Julien Doré, dans un tout autre contexte, s'agissant d'une création pas d'une reprise, archivé dans le dvd du making off de Ersatz, où déjà une opposition de ce genre, finalement agrée par Arno, paraît se présenter après la permière version enregistrée de la voix de Julien pour "De mots". De là, autrement, il pourrait d'autre part y avoir répétition d'un choix sur son interprétation de la chanson forte -- ici celle de Charlebois. 2. Julien Doré et Les limites en ciel bleu québécois Si le rouge du collant de Lindbergh est la couleur du Canada, le bleu ciel des Limites -- assagies -- est celle du Québec (information procurée par Lorelle, sur Skype, mais qui ne parvient pas à se déterminer encore, pour assigner l'intention artistique de ces couleurs, s'agissant toujours de polysémies arborescentes socialement critiques, mais aussi pardoxalement des régionalismes, chez Julien Doré, qui s'était déjà présenté dans les couleurs et le costume basque, in situ, en 2007, et éventuellement dans le bleu configurant un principe passif de l'homosexualité masculine, par exemple pour chanter en toute ambiguité "Moi Lolita" à Nouvelle Star). C'est toi, Lorelle, et toi seule, car je ne l'ai lu dans aucun article, qui a évoqué à la fois la singularité du survêtement d'intérieur ou d'extérieur bleu ciel dans lequel il a interprété ensuite Les limites, en concluant par un "je vous aime" lancé au public (veux-tu dire, quand tu te demandes à quel degré il prononce ces paroles pour un public qui n'aurait pas été disponible à l'applaudir largement, donc à le comprendre : "public conforme à ses tradtions non renouvelées" ?), et la singularité de la version orchestrale sans guitare acoustique mais avec des cuivres qui une fois de plus devait renvoyer une perception contrastée du costume qu'il a trouvé pour répondre de façon diverse... Voilà qui devait accentuer l'aspect de l'ange ou plus vénalement de la bûche dans la cheminée des foyers bienheureux -- bien ssûr ainsi soumis à critique par l'autodérision de l'artiste ? Ou quelle autre impression encore cela t'évoque t'il après coup ? En tous cas, je vois que dans le lien de la vidéo dont je cite le lien, que tu m'as indiqué pour ce qu'on voye apparaître Julien Doré tout au début de la séquence, performant "Les limites", sur le grand écran du spectacle, que tout de bleu ciel nimbé dans son survêtment d'intérieur -- comme un grand bébé ? -- il porte également le chignon, ce qui lui procure soudain une connotation de Little Nemo (chez les Scyks :-) -- évidemment critique du manga (vu le maintien de la coiffure). http://lcn.canoe.ca/cgi-bin/player/video.cgi?file=/lcn/actualite/arts_spectacles/20080824_parisqc_hommes.wmv Aussi, j'aimerais vraiment que tu me reparles, mais sans urgence, de tes impressions plus particulièrement, notamment à propos du rapport des costumes, des textes, et de la musique, dans les deux chansons... Car c'est bien ce qui nous passionne chez Julien Doré, son insertion poétique entre art plastique, musique et divertissement, contemporains, comme art conceptuel situationniste "intégré"... Et tout ce que je commente c'est bien depuis les questions et les incertitudes manifestées volontairement dans ton CR, que je relève non comme des contradictions mais comme des paradoxes de ton récit ; et c'est pourquoi je pense que ton CR est captivant dans sa formulation liminaire, implicite... Mais peut-être faut-il attendre, comme tu le pensais, la diffusion intégrale du concert à la télévision canadienne le 7 septembre, afin que tu animes une réflexion distanciée -- comme tu semblerais le préférer ? Donc patience... < n e t t i m e - f r > Liste francophone de politique, art et culture liés au Net Annonces et filtrage collectif de textes. <> Informations sur la liste : http://nettime.samizdat.net <> Archive complèves de la listes : http://amsterdam.nettime.org <> Votre abonnement : http://listes.samizdat.net/sympa/info/nettime-fr <> Contact humain : nettime-fr-owner@samizdat.net