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Actualité du Maître et Marguerite et de Mikhaïl Boulgakov
en janvier 2013 à Paris Version imprimable
Sur la présentation par Hélène Châtelain du premier épisode dans La RdR :
Le Maître et Marguerite (1) - Rencontre avec Satan.
ou sorcière, que le temps ne dédouble.
( () () ( ( () Ce que nous avons fait là dans La Revue des Ressources est une version inédite de la traduction proposée par ebooks libres et gratuits depuis 2006 et dont bien sûr nous donnons tous les liens — livre actualisé par le dernier album de Patti Smith, Banga, après qu’il ait inspiré dit-on Les versets sataniques de Salman Rushdie et il y a déjà longtemps le rock’n roll song Sympathy for the Devil — la chanson clé de l’album Beggars Banquet — des Rolling Stones, qui se trouvaient sous l’influence de William S. Burroughs — Le festin nu — inspiré lui-même par le récit Morphine du recueil de Boulgakov Récits d’un jeune médecin (1917) [1] — médecin [2] lui-même, pour commencer, et sans aucun doute morphinomane du moins entre 1916 et 1919 [3], et sans rapport à cela il aurait aussi inspiré le théâtre de l’absurde, Samuel Beckett en particulier, et... tant d’autres encore parmi lesquels jusqu’à Vladimir Nabokov (peut-être).
Avec Le maître et Marguerite, au-delà de son propre temps voici « la » gigantesque fable du nôtre.
Ce livre est un ouvrage inachevé, non parce qu’il fut considéré clos d’office plutôt que par destin suite à la mort de son auteur (la vie n’est pas illimitée, la considèrerait-on comme un algorithme ou un accident), alors qu’il y travaillait encore peu de temps avant. Ce qui laisse toujours penser que dans l’ouvrage il restât quelques détails à régler pour atteindre la perfection de l’œuvre, et néanmoins même si, il se trouve que contradictoirement l’aléa soit le corps propre du sujet de l’ouvrage — matière et écriture. La libre aventure du texte organique de la vie de l’auteur à être advenu en multiple événement, en fragments et en tout, au long de sa vie à partir de 1928, de sa main vivante puis de celle de sa dernière épouse et exécutrice testamentaire Anna Saakyants, qui publia en 1973 la version de 1940, (elle avait noté sous la dictée de son compagnon voyant de moins en moins clair les ultimes modifications), et enfin au moment de la libéralisation de la Fédération de Russie, en 1989, la version intégrale de tous les documents existants censurés et non censurés, rassemblés et publiés par la femme de Lettres Lidiya Yanovskaïa, ne résolvent rien sur l’achèvement d’une telle œuvre, bien au contraire...
Ces événements de l’édition qui nous émerveillent et purent nous confondre d’émotion ne sont jamais parvenus à lever l’énigme de sa finition aléatoire, rien n’étant résolu sur l’intention ni sur le mode d’écriture fragmentée, en longue durée d’un seul ouvrage, dont chaque modification le fait conférer à une métamorphose, (du moins sous le même titre et avec les mêmes personnages). Ce n’est même pas une allégorie, par exemple du bien et du mal, ce qui supposerait un minimum de stabilité que le roman ne présente pas, puisque les mêmes peuvent y accomplir indifféremment le pire ou le meilleur (par rapport aux autres). C’est le contraire d’un monde fini sinon par la fin venue d’ailleurs, à l’inverse d’un Proust filant la durée du grand œuvre dans la révélation d’un monde littéraire social œuvre par œuvre, achevé par lui-même au terme du dernier ouvrage.
Ni sur le sens ni sur la forme, on ne peut décider ; il est toujours possible de supposer qu’il pût demeurer des manuscrits disparus et en outre de quoi, également possible d’alimenter des actes d’art tels que Marcel Duchamp put en accomplir en trompant les institutions, à propos de fausses archives parfaitement simulées (du moins est-ce dans l’imaginaire magique à propos de Duchamp). Si on dit cycle et retour, disparitions et métamorphoses, réapparitions et changement, c’est qu’on parle des cycles reproductibles ; mais tout en même temps ces cycles ne sont pas reproductibles dans la diversité de leur mode de réapparition, un peu comme la société de la Russie impériale ne re-naquit pas — ne pouvait renaître — à la fin de la dictature du prolétariat soviétique, mais une société nouvelle. Donc un livre forcément inachevé même s’il a pris forme plusieurs fois de suite, et une fois pour toutes qui ne pourrait donc en être une — a fortiori en version posthume.
C’est aussi de cela que l’ouvrage nous parle, le temps parti pour toujours et celui qui revient toujours, jamais avec le même éclairage, jamais comme la simple émergence d’un mode de vie immémorial — mais la vie elle-même comme changement indécidable,— et pourtant le cycle.
Dans le cadre contextuel, Boulgakov, fut-il inspiré par le grand chamboulement de la drogue dans le grand chambardement de l’histoire soviétique, Staline le tolérait, peut-être aussi parce que dans les années de la révolution léniniste une des principales préoccupations de Boulgakov fut plutôt — que s’impliquer au premier plan des artistes révolutionnaires (quoique), — d’être réquisitionné comme médecin militaire au contact de la chair déchirée, en pleine guerre civile, avec la difficulté supplémentaire de devoir quotidiennement trouver la drogue nécessaire pour couvrir ses états de manque (son épouse de l’époque raconta ensuite qu’en 1919 il était parvenu à deux piqûres par jour), ce qui de fait le rendit politiquement moins compromis que d’autres s’étant exposés, aux yeux du dictateur qui faisait disparaître ceux et ce qui l’avaient précédé ?
Alors qu’édité au multiple ce livre demeure néanmoins le jardin secret des initiés élargi au second cercle et même au troisième : il est temps de rendre aux « larges masses » la connaissance de ce roman complexe aux vertus populaires d’un classique de la littérature internationale, à l’égal des simples contes qui parvinrent à nous faire entendre quelque soit le pays et la classe sociale (accédant au minimum culturel écrit ou oral), le mal ou la cruauté la violence et l’amour abstraits de la nature et de la société.
Après qu’une adaptation théâtrale de ce texte fut présentée par le britannique Simon McBurney avec le plus grand succès, mais encore une fois pour une élite internationale, au Festival d’Avignon, l’été dernier, vient enfin le moment où cette adaptation va être représentée dans un espace plus « démocratique », à Paris (dans la région parisienne — en banlieue — pour être plus précis), en ce début de 2013. La première représentation sera dès le jour de la Chandeleur, où l’on retourne les crêpes [4], (à Bobigny, MC 93, les 2 et 3 février puis du 6 au 9 février).
MC 93
1, boulevard Lénine 93000 Bobigny
Bobigny - Pablo Picasso - Ligne 5
Bobigny - Pablo Picasso - Ligne 1
Le 2 février 2013 - 20h30
Le 3 février 2013 - 15h30
Du 5 au 9 février 2013 - 20h30
Prix : de 9 € à 27 €
La petite fenêtre en cour anglaise d’un immeuble sur rue à Moscou, évoquée par Hélène Châtelain, traduit l’effet de rumeur sur un auteur toujours diabolisé dont les lieux seraient toujours hantés, selon certains moscovites.
Régulièrement des espaces dédiés à Boulgakov ou à son chef d’œuvre sont vandalisés par les activistes d’une secte de chrétiens orthodoxes dits intégristes, peut-être pour rassurer, qui l’assimilent lui-même à Satan. Ce qui en dit long sur l’impuissance de l’église orthodoxe dans le régime soviétique car elle ne put empêcher par exemple cet ouvrage de s’écrire, et sa puissance retrouvée dans le régime actuel de Poutine, puisque c’est à cette institution religieuse que les Pussy Riot doivent d’être maintenues en prison après s’être livrées à une performance critique en pleine église. Pour Mikhaïl Boulgakov, l’État actuel assure néanmoins le minimum de son devoir en officialisant musées et fondations d’initiatives éventuellement privées, sans les protéger particulièrement. Cela convient au destin posthume des poètes.
Concernant notre travail de publication nous osons parler de version inédite d’une traduction rendue disponible par ebooks ibres et gratuits sur Internet depuis 2006. Version singulièrement libre de droits alors qu’elle est relativement récente — 1967 (publiée dans la collection Bouquins chez Robert Lafont en 1968) — parce qu’imparfaite elle fut revue par le traducteur lui-même avec Marianne Gourg, pour une nouvelle version dans la même collection chez le même éditeur en 1993, et qui maintenant fait acte de la première version officielle en français chez Robert Laffont.
Non seulement nous publions l’ouvrage intégral en série à raison de cinq épisodes (un volume par jour à partir d’aujourd’hui), ce qui est arbitraire mais dans l’objectif de permettre une lecture progressive avant la représentation de l’adaptation théâtrale au début de février, avec la possibilité d’une impression volume par volume (ce qui est toujours plus aisé que l’œuvre non fractionnée) et permettra ainsi de comparer l’adaptation théâtrale et la version d’éditeur de la référence actuelle [5], mais de plus nous proposons une iconographie qui accompagne cette diffusion, et surtout Hélène Châtelain nous offre une présentation inédite qui sera suivie d’une postface, présentation où elle évoque le sens de l’ouvrage dans son contexte historique, ce qui n’est pas banal.
Car personne n’ose revenir sur la période stalinienne en général concernant la créativité littéraire (la preuve qu’il en fut autrement), et en particulier à propos d’un auteur comme Boulgakov, notamment ami de Stanislavski, et contradictoirement actif dans la société des écrivains et au théâtre et à l’opéra de Moscou, en plein office du réalisme soviétique stalinien ; Boulgakov bien que censuré paraît être demeuré relativement respecté dans sa singularité par Staline et contrairement à plusieurs de ses amis, dont deux d’entre eux qui ne purentt venir le saluer une dernière fois avant sa mort, que clandestinement, à Moscou. Et tout cela constitue une sorte d’énigme. Celle du Maître et Marguerite.
Enfin, qu’est-ce qui a pu lui permettre de supporter les commissaires politiques et de rester respecté par ses amis opprimés, de tenir contre vents et marées et de produire en nombre considérable, dans une Union soviétique de la déraison et de la répression des idées et des actes, sinon d’avoir passé sa vie domestique à poursuivre l’écriture et la ré-écriture d’un tel roman jusqu’à sa mort ? Banga est peut-être l’idée que le temps des cerises reviendra, quoiqu’il s’agît des retrouvailles avec son maître Pilate et non d’une liberté existentielle. Qui est domestiqué restera domestique — à savoir que l’humanité domestiquée n’est pas pour autant l’humanité soumise, mais l’humanité philosophique (le peuple philosophe).
En pleine actualité du carnavalesque, pour le retournement des valeurs avec l’évènement de la révélation de la face cachée des choses, mais encore le retournement de toutes les valeurs humanistes en problématique binaire après la mise en orbite de la dialectique, voici ce livre écrit de 1928 à 1940... Plus de dix ans, pour nous donner patience dans la tragédie scandaleuse et sanglante de la bêtise au pouvoir dictatorial du monde où nous vivons aujourd’hui — où, détrompons-nous, la France est davantage pionnière que suiviste.
Il y a dans ce livre si actuel en l’action exécutive de la loyauté, de l’ordre et du désordre, de la trahison, de la violence, de la passion, des choses imprévisibles, qu’il s’y trouve aussi l’action exécutive des animaux dans l’histoire [6]. Non exécutés. Sans parler des sorcières qui rodent par millions autour des balais ménagers partout dans le monde, à craindre : l’irrépressible opportunité des actes du chat Béhémoth et l’indomptable patience du chien Banga.
Mikhaïl Boulgakov, Le Maître et Marguerite, traduction en
français de Claude Ligny, 1967 - libre de droits ; 334 pages ;
téléchargement intégral et référence en ligne (2006) : ebooks libres et gratuits.
La RdR, Elisabeth Poulet (lecture, structure de la publication,
résumés), Louise Desrenards (animation éditoriale et installation),
Régis Poulet (illustration et bio-bibliographie de l’auteur) - avec
une présentation et une postface inédites de Hélène Châtelain ;
publication intégrale en série d’un épisode par jour à partir du 22
janvier 2013 : 1, 2, 3, 4, 5.